mardi 8 décembre 2009

Fin du séjour à Maio, et retour à Saotiago.

En arrivant à l’hôtel, je rencontre Ismaël, le pompier. Il va au marché, où des gens se réunissent pour jouer aux cartes, aux dames, à l’awélé. J’y suis déjà passé, il y a un ou deux jours. C’est un bâtiment moderne, proche de mon hôtel, avec une vaste cage d’escalier intérieure qui permet d’accéder à des boutiques dans les galeries supérieures, mais la plupart sont fermées.

Je voudrais acheter « A Semana », l’hebdomadaire qui a dû paraître hier. La patronne de l’hôtel ne sait pas où se vendent les journaux ! Elle m’explique que les gens sont abonnés, et m’envoie près de l’église. De là on me fait redescendre vers une boutique derrière l’hôtel. Chaque fois, j’ai l’impression de demander la lune. Au bout de mon périple, je n’ai pas de journal. Je verrai à Praia.

A midi, j’essaye le restaurant de l’hôtel Marilù, voisin et concurrent du Bom Sossego. Je suis le seul client. A mon retour au Bom Sossego, Ismaël mange tout seul, et la serveuse somnole dans un coin. Mais quand donc arriveront les hordes de touristes ?

La capacité d’accueil des hôtels capverdiens de Maio semble loin de la saturation. L’offre des futurs hôtels et « resorts » à construire est donc totalement inutile, et leur remplissage ne sera possible qu’en suscitant une demande artificielle par le biais des tour-operators, des agences de voyage, et d’internet ! Il en résultera une augmentation tout aussi artificielle du trafic aérien et de la dépendance au pétrole, en transportant inutilement une clientèle qui ira à Maio comme elle irait à Benidorm ou à Tenerife !

Je voulais profiter de la plage, mais le vent violent m’en a dissuadé. Il fait très chaud jusqu’en fin d’après-midi, et la nuit tombe vite. Demain sera mon dernier jour, j’espère que je pourrai profiter de la plage.

Je crois que j’ai fait le tour de Maio, dans tous les sens du terme. Pour rester plus longtemps ici, il faudrait travailler, écrire, avoir mon ordinateur, et un peu plus de vie sociale, louer une maisonnette ancienne dans le village, m’intégrer, même provisoirement. Je suis dans le même état d’esprit qu’à la fin de mon séjour à Fogo. Il faut partir, ou décider de rester. Je partirai en pensant à revenir.


Dernier jour à Maio.


Avant de prendre la cachupa du matin, j’ai demandé à la serveuse la permission de passer mon disque d’ Ildo Lobo sur la chaîne du restaurant. Mon dernier jour ici commence dans le bonheur.

Je retourne marcher sur la longue plage de Vila, où j’avais examiné de près les barques. Je vais plus loin que la première fois. Pour passer sous le wharf de béton, il faut courir en profitant de l’intervalle entre deux vagues. Je m’éloigne de la ville. Le soleil n’est pas encore très haut. Partout dans le monde, les plages sont plus belles le matin. Un pêcheur rentre, sa canne sur l’épaule. Comme l’autre jour, les petits limicoles s’enfuient devant l’écume qui monte à l’assaut de la plage, et la poursuivent quand elle redescend. Je trouve, depuis mon arrivée dans ce pays, qu’il y a assez peu d’oiseaux.

L’eau est froide, et le vent assez fort. La plage tourne bientôt vers le nord, en direction de Morro, dont j’aperçois, au loin, les villages de bungalows. Je n’irai pas aussi loin, aujourd’hui, je rebrousse chemin. Les pieux en bois brûlé, et percé, qui devaient soutenir un ancien wharf, sont encore bien plantés dans le sable et dans l’eau. Le soleil leur donne des ombres allongées et un petit air d’installation d’art contemporain.
( photo sur ecabo-verde.com )
Au passage, je relève les noms de quelques barques, c’est toujours un indice sur la culture du pays. « Vanusa », une femme ? « Vamos com Deus », Allons avec Dieu, et le plus émouvant « Sufri caladu », Souffrir en silence…

En fin de matinée, toutes les églises, catholiques ou protestantes, sont pleines.

Sur la place, devant le Bom Sossego, il n’y a pas beaucoup d’ombre vers midi. C’est le moment que choisit Ismaël pour m’emmener dans une toute petite loja qui fait coin, juste en face de l’hôtel. Une vieille dame nous y fait goûter son grogue, beaucoup trop fort pour moi. Je serai bon pour une sieste !

Quand le soleil commence à faiblir, je ressors. Je vais cette fois au sud, vers la plage de Ponta Preta . Il fait bon et la houle est moins forte. Les vagues remplissent d’eau claire des piscines naturelles, peuplées de crabes et d’oursins, qui se déversent l’une dans l’autre en cascades. Je me baigne dans une de ces piscines au fond sablonneux.

Je vais ensuite marcher longuement sur la plage, je me sens purifié et réconcilié, plein d’allant et d’optimisme. Je dépasse les petites falaises sous lesquelles j’avais fait la sieste, avant de retourner à ma piscine pour un dernier bain au soleil couchant. Il faudra que je revienne, accompagné, et vite.

Il fait presque noir quand j’arrive à Vila et je passe devant le bar « Couleur Café », tenu par un français dont m’avait parlé mademoiselle Hê. Il n’y a donc pas que des allemands, espagnols ou italiens qui investissent ici. Mais l’établissement est très modeste et situé dans la ville déjà existante. Le jeune homme vit avec une capverdienne. Il est à Maio depuis deux ans, et son bar est ouvert depuis quelques mois. Il aménage une terrasse sur le toit pour y faire un petit restaurant. Nous parlons des perspectives de développement, et du risque de voir Maio devenir comme Sal.

Il me confirme que juin est le meilleur moment pour venir ici. Il me raconte également que, la dernière fois qu’il a escaladé le Monte Penoso, il a dû ensuite marcher six ou sept heures pour revenir, et arriver de nuit.

En sortant, je remarque dans le ciel une belle demi-lune. Mes enfants m’attendent pour la prochaine pleine lune. Il me reste une semaine à consacrer à la grande île de Sâotiago.




De Maio à Praia.


J’ai voulu profiter au maximum de ma dernière matinée, en me levant le plus tôt possible, et aussitôt après mon petit-déjeuner, je suis retourné à la plage de Ponta Preta.

La marée est plus haute qu’hier soir, et il fait encore un peu trop frais pour se baigner, mais je passe un bon moment de tranquillité à observer et écouter les vagues qui remplissent les piscines, l’eau qui s’écoule avec un bruit de ruisseau de montagne.

Je retourne tout doucement à Vila, en passant par la crique de basalte que j’avais découvert le premier jour, et en longeant les falaises, près des chantiers de villas où l’on ne s’active guère.

Je paye l’hôtel, je me douche, je boucle mon sac à dos. Hier soir j’ai fait un peu de repassage, mais ce matin je dois encore abandonner une partie de mon linge. Les bouteilles de vin, le café de Fogo qui embaume mes affaires, les coquillages, les livres, les disques, tout à fait prendre du poids à mon sac. J’abandonne aussi ma gourde, qui fuit.

En sortant, je suis interpellé par Ismaël, qui me fait signe, sous un acacia de la place. Il va bientôt partir lui aussi, pour l’aéroport. Oui, au boulot ! J’aimerais bien que les pompiers soient à leur poste quand je décollerai, tout à l’heure !

Je traverse Vila par le front de mer, et je prends le chemin de l’aéroport. Un aluguer s’arrête à ma hauteur, on me fait signe de monter à l’arrière. Je suis presque arrivé, mais j’accepte. Lorsque le chauffeur dépasse sans s’arrêter la bretelle de l’aéroport, je comprends qu’il a cru que j’allais à Morro. Je dois crier et taper sur le toit de sa cabine pour l’arrêter. Je descends, et je veux le payer. J’ai droit à un grand sourire et un pouce levé : « Fish ! » Oui, c’est encore gratuit !

Dans un coin de la minuscule aérogare, une dame est en train d’installer et garnir son étal de souvenirs. Quelques poupées, quelques cartes postales, deux livres, deux bouteilles de grogue de Santo Antâo…

Je suis à nouveau très en avance. Seul le chef d’escale de la TACV est là, mais le comptoir d’enregistrement est fermé. J’aperçois aussi Ismaël, qui va et vient sur le tarmac au volant d’une Land-Rover rouge.

Plus tard arrive un minibus qui dépose le personnel de la TACV, puis de nombreux touristes que je n’avais jamais vus, des italiens, des américains, qui devaient se cacher dans un village touristique de Morro… Savaient-ils seulement où ils étaient ?

Mademoiselle Hê sera aussi du voyage. Elle me dit qu’elle est invitée à un « meeting » à Praia. J’en déduis qu’elle est du Peace Corps, car il y a quelques jours, j’ai vu au journal télévisé local une interview du responsable de cette organisation pour le Cap-Vert. Il annonçait qu’une fête aurait bientôt lieu pour célébrer les quarante-cinq ans de cette organisation. Je lui pose la question, et elle me le confirme.

Plusieurs capverdiens enregistrent comme bagages des glacières plus ou moins bien fermées par du scotch. Je me demande ce qu’elles peuvent contenir. Tout se passe dans la décontraction, mais sans pagaille, ni paranoïa. Ici, tout le monde se connaît, personne n’est suspect de terrorisme.

Sur le parking, où je sors prendre l’air, je croise Alberto, mon hôte de Morro, qui me fait des adieux pleins d’émotion, et me demande de lui écrire. Dans l’aérogare aussi, Ismaël est venu me voir, et nous avons échangé nos e-mails.

Au moment d’embarquer, tandis que je marche vers l’ATR, il m’appelle encore, et je quitte la file des passagers pour une dernière poignée de main.

Je m’assieds vers l’arrière de l’avion. Décollage raide, virage à gauche. Est-ce par ce que l’avion est plus gros et plus rapide ? Est-ce parce que le vent est favorable dans ce sens ? Le vol semble encore plus court qu’à l’aller. Peut-être dix minutes de vol horizontal avant d’amorcer la descente. Les turbulences nous secouent dans le dernier virage au large de Praia, nous passons à basse altitude sur le port, j’aperçois fugitivement l’engin ukrainien de Fogo, amarré au quai.

Je trouve un taxi devant l’aérogare mais, au moment de démarrer, le chauffeur me demande s’il peut embarquer son frère. Frère ou pas frère, j’accepte. Le frère monte à l’avant, ainsi qu’une jeune fille. En route ! L’autoradio joue du merengue et du reggaetòn. Cela m’amuse et je demande si les gens d’ici aiment beaucoup ces musiques. La passagère se retourne et me demande si c’était bien moi dans l’aluguer qui a fait le tour de Maio il y a deux jours ! Bien sûr, je la reconnais aussi, c’est l’amie du chauffeur !

Je débarque pour la troisième fois à l’hôtel Sol Atlàntico. On commence à m’y connaître, mais je dois tout de même remplir une fiche !