De Mosteiros à Sâo Filipe.
Je me suis levé tôt, mais pas assez. Les aluguers pour Sâo Filipe partaient à six heures. J’espère en trouver un attardé quelque part, et je n’ai aucune envie de me presser.
Après le petit-déjeuner et un tour par la poste, je prends la route, toujours sac au dos. C’est long Mosteiros. La route longe la mer à une certaine distance, et je traverse des quartiers modernes sans aucun charme, je passe devant des ateliers, chantiers, fabricants de meubles, garagistes… Cette ville fut la capitale de Fogo, avant Sâo Filipe, il y avait un petit aérodrome, qui est désaffecté.
Puis, entre la route et la mer, il y a des champs, des terrains vagues, une étroite plaine côtière sur ma droite, tandis qu’à gauche le terrain s’élève très vite, c’est pied du volcan. La végétation, de ce côté, est déjà clairsemée, par rapport à ce que j’ai traversé dans ma descente.
Après avoir un peu erré, je trouve la bifurcation vers Sâo Filipe. Je passe devant ce qui est certainement la maison d’un capverdien américain. Une belle villa de plain-pied, au jardin bien entretenu, avec un gros 4x4 garé devant la porte, et la bannière étoilée qui flotte en haut d’un mât !
La route monte raide, le soleil aussi, Sâo Filipe est encore loin. Si je reste à pied, je n’y serai pas ce soir, mais il y a d’autres villages à traverser, j’aviserai. Je marche à flanc de montagne, à droite c’est le ravin, et la route est très fréquemment encombrée d’éboulis récents, ce qui n’est pas rassurant, car pour échapper à une nouvelle chute de pierres, il faudrait sauter dans le vide !
Inutile de faire du stop, il ne passe personne. J’arrive à un col où des paysans remplissent de gros bidons de plastique jaune à une fontaine, puis les chargent au dos de leurs ânes.
Enfin, un véhicule approche, et je tends le pouce. C’est un pick-up japonais de couleur rouge, conduit par un jeune homme d’une vingtaine d’années, qui me fait monter à côté de lui. Très ouvert, très bavard, il me parle en anglais. Il est déjà allé aux Etats-Unis, et voudrait y retourner. Sa conduite sportive m’inquiète un peu.
Comme je lui dis que je suis français, il m’explique que lui aussi est d’origine française : c’est un Montrond par sa mère, et il n’en est pas peu fier. Il est vrai que nous sommes ici en plein dans la région où vécut l’ancêtre de tous les Montrond.
Il s’arrête au village d’Atalaïa pour embarquer sa mère et sa sœur. Leur maison est petite, mais jolie, avec des bougainvillées devant la façade. J’attends dehors.
La vieille dame arrive. Elle est très claire de peau, et me confirme qu’elle est une Montrond. Je cède ma place à l’avant et je vais sur le plateau arrière avec mon sac. Ça va faire peur !
Le reste du trajet est à sensations fortes ! Je me cramponne comme je peux, et j’essaye de ne pas trop regarder le précipice. Même dans la traversée des villages, il ne lève guère le pied. Il s’arrête tout de même pour prendre une jeune fille qui fait aussi du stop. Elle va vomir presque tout le trajet, sur mon sac et sur moi.
Nous devons passer non loin d’un village de pêcheurs nommé Sâo Jorge, réputé pour sa petite plage et des grottes marines. J’espère m’en servir de prétexte pour débarquer si notre chauffeur me fait vraiment trop peur.
Par chance, le paysage s’aplanit, la route se fait moins vertigineuse, et le littoral s’éloigne de nous, à mesure qu’on approche de Sâo Filipe, dans un paysage de plus en plus sahélien, où les acacias reviennent en force.
En pleine brousse, à quelques kilomètres de la ville, nous passons encore devant la villa d’un émigré, maison à étage peinte en rose vif, entourée d’un mur de clôture : sur chaque pilier, un lion en plâtre laqué rouge et or !
Arrivé à Sâo Filipe en fin de matinée, dans une petite rue où se gare la voiture, j’essaye de traduire à mon chauffeur et à sa mère le texte de mon guide consacré à Armand Montrond. Dans leurs commentaires, je crois reconnaître plusieurs fois l’expression « irmâos de França », « frères de France ». Ai-je bien compris, serait-ce ainsi qu’ils s’appellent entre eux, les Montrond, ou est-ce mon imagination ?
Je finis mon trajet à pied jusqu’à la pension Fatima, où je reprends la même chambre que l’autre jour. Je dépose mes affaires et je ressors aussitôt pour me rendre aux bureaux de la TACV. Je veux réserver mes vols pour Praia, et pour Maio.
En ville, je croise des mormons ! Il ne manquait plus qu’eux !
La mer est belle sous le vent de Fogo, et plus houleuse au loin, vers Brava, mais il n’est plus temps de tergiverser, ma décision est prise, je n’y irai pas cette fois.
mardi 3 novembre 2009
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